Plaidoyer pour la libre critique gastronomique
Tout d'abord, merci à ceux qui ont réussi à faire leur coming out en tant que lecteurs de ce blog, merci aussi à ceux qui ont adhéré au Comité de sauvegarde de la Belette en milieu hostile. Il vous fallait du courage, et vous en avez eu.
Sinon, j'ai eu la surprise de découvrir ce week end la réponse du chef-propriétaire du salon de thé Colorova (récemment ouvert, près de la rue de Rennes à Paris) au fait que j'aie écrit à deux endroits différents que 1) je trouvais que son brunch manquait d'un dessert 2) les 2 pâtisseries que j'y avais goûtées s'étaient révélées fort décevantes. Je pense qu'il n'a pas lu la critique que j'ai mise dans mon blog, auquel cas il aurait sans doute été moins courtois.
Voici sa réponse :
"La belette j ai l impression que tu veux nous détester colorova est le rêve de deux personnes qui n est autre que charlotte et guillaume des restaurateurs ayant apris ce métier et l ayant pratiqué dans les plus belles maisons notre métier on le pratique avec amour et aucune mauvaise arrière pensée je pense que tu n as pas compris l idée".
Guillaume,
Je suis venue, avec une amie, découvrir votre salon de thé le mois dernier, à la faveur d'échos très favorables. Nous avions l'intention de nous faire plaisir, activité dans laquelle nous sommes particulièrement efficaces. Le cadre qui témoigne d'un goût pour les beaux matériaux, le concept privilégiant la transparence et l'extrême fraîcheur des préparations, et enfin la présence d'une carte très courte pour le déjeuner nous ont d'emblée placées dans d'excellentes dispositions. Et puis, nous aimions bien cette histoire de deux passionnés se lançant dans le grand bain, avec des idées et du savoir faire.
La corbeille de pain est arrivée et avec elle un premier bémol. Deux tranches de piètre aspect et remplissant leur contenant au tiers, on aurait dit le tout saisi à la va-vite sur une autre table. Nous goûtons, et la faiblesse se confirme. Pourquoi offrir un pain de mauvaise qualité, et en petite quantité, dans une adresse supposée privilégier l'excellence? Avec notre plat pas particulièrement bon marché, nous nous attendions à mieux. Heureusement, les plats en eux-mêmes, inventifs, précis, équilibrés, ont relevé notre sentiment : ils étaient, réellement, délicieux et ont repris la tête du cortège de nos impressions.
Pour la suite, ô surprise, le dessert n'est inclus dans aucun menu déjeuner, curieuse démarche pour une pâtisserie... J'ai également noté que c'était le cas pour le brunch. Nous y avons vu une arrière pensée, celle qui voudrait que n'importe quelle personne normalement constituée complète son menu d'un des affriolants gâteaux prenant la pose à deux pas de la table. Mais peut-être sommes-nous des cas à part, il est connu qu'on entre d'abord dans un salon de thé-pâtisserie pour y déguster un carpaccio de dorade.
Pour faire notre choix, nous nous sommes levées afin d'admirer les merveilles tout juste préparées par les pâtissiers, là, derrière la vitre. De superbes pièces de collection, on a bien hésité avant de faire notre choix. Puis mon amie a goûté, regoûté, son expression m'indiquait clairement qu'elle avait déjà connu mieux. J'ai alors fait le test et j'ai eu confirmation : les deux gâteaux étaient fades, l'originalité de la note de pomme au milieu du chocolat était dissoute dans le sucre, on peinait à distinguer les goûts d'origine, la pâte sablée était franchement (désolée) ratée dans l'un des deux.
La personne en salle nous demande dans la foulée si nous sommes satisfaites, j'indique que non, et nous précisons les raisons. Nous ajoutons que nous comptons revenir pour tester la superposition dont nous avons entendu grand bien et qui n'était pas en vente à cet instant, ainsi que le brunch dont tout-Paris semble raffoler (sauf Raphaële qui n'en a pas du tout raffolé...).
Voilà, Guillaume, l'expérience brute telle que nous l'avons vécue.
Le fait que vous vous soyez formés à l'école Ferrandi et dans les plus belles maisons, s'il peut expliquer un savoir faire technique, ne garantit pas, loin s'en faut, l'absence de faiblesses. Lorsque vous m'indiquez que vous êtes des passionnés ayant suivi le parfait parcours, cela n'ôte ni n'ajoute rien à mes impressions. J'ai envie de vous dire "Et alors"? N'ai-je pas le doit de dire que je n'aime pas, que je trouve que vos gâteaux n'ont pas la qualité attendue, simplement parce que vous avez le niveau pour en produire d'excellents?
Quant au fait que je veuille vous "détester" (sic), cela me laisse perplexe. Je vous déteste parce que je n'ai pas aimé deux de vos gâteaux et que je l'ai publiquement dit? Certes, l'article de mon blog, était pour le moins explicite, mais il est resté fidèle à l'expérience. J'ai précisé ce que nous avions mangé, ce que nous avons aimé, ce qui nous a déplu. Si mon amie avait porté des jugements plus positifs, je l'aurais dit, de la même manière que je l'aurais fait si nous étions venus à 10 et avions eu des avis mitigés.
Il va de soi, ou plutôt il devrait aller de soi, qu'une critique n'est jamais qu'un bilan d'une expérience vécue un certain jour, par certains protagonistes, avec un certain service, et testant certains mets.
S'engager, comme vous l'avez fait, dans une entreprise de goût implique que vous laissiez les autres - vos clients qui vous détestent, et les autres - exprimer les leurs.
Les clients paient, et à ce titre, ils peuvent réagir sans pour autant montrer par-là qu'ils vous méprisent (!), qu'ils veulent briser votre rêve ou freiner votre envie de bien faire. Les clients paient et jugent ce qu'ils achètent, cela ne paraît pas choquant dans un contexte commercial où, faut-il le rappeler, l'affectif n'a pas de place, à moins d'être une amie, d'être sous le charme d'un service, ou d'avoir discuté des heures avec le chef.
Malheureusement, ou heureusement, tous les clients n'ont pas la possibilité d'entrer dans le champ affectif des "vendeurs", ce qui implique que toute la démarche, aussi belle, pure, sincère soit-elle, soit lisible par le palais.
Vous considérez que je n'ai "pas compris l'idée". Sans doute. Tant mieux. Je n'ai rien envie de comprendre quand je mange.
Cher Guillaume, votre commentaire m'a touchée, parce qu'à la différence de notre ami du Verre Volé qui m'avait traitée de champignon hors saison , on sent chez vous une forte envie de ne pas décevoir, de plaire à tous, d'être "validé" par vos pairs et par les autres.
Vous défendez votre rêve et vous avez raison, c'est grâce à cette force qu'il a pris vie. Il est beau, il est admirable et il sera encore plus beau demain quand vous pourrez me répondre que ces deux gâteaux, ils sont exactement tels que vous vouliez qu'ils soient.
Je reviendrai chez vous, et j'exprimerai encore, avec le plus de justesse possible, mes impressions. Au risque d'être considérée comme un champignon hors saison, comme un critique à la petite semaine ou comme une rien qui juge tout, je ne trahirai pas ce que je ressens. Ni pour ce que vous faites, ni pour les autres (bon, avec quelques petits aménagements sans doute, s'il advenait que ma meilleure amie ne se lance dans pareille aventure, mais je ne lui mentirai pas).
Je vous souhaite, très sincèrement, que l'aventure vous porte très haut, si haut que vous pourrez enfin prêter l'oreille à des gens comme moi. Qui ne vous veulent que du bien.
sophie 08/04/2013 16:52
labelette 08/04/2013 17:07
Jimidi 14/11/2012 14:04
labelette 14/11/2012 17:08
FLG 13/11/2012 19:48
labelette 15/11/2012 12:24
christelle 13/11/2012 14:49
labelette 15/11/2012 12:25
Mikl 13/11/2012 14:19
labelette 15/11/2012 12:26
Tombouctou 13/11/2012 12:15
labelette 15/11/2012 12:27
Alphonsine 13/11/2012 12:12
labelette 15/11/2012 12:28
Jeanne qui connaît Stéphane 13/11/2012 11:59
labelette 15/11/2012 12:29
Ginger 13/11/2012 11:34
labelette 15/11/2012 12:30
chocoladdict 13/11/2012 09:23
labelette 15/11/2012 12:31
Elsa Saône 13/11/2012 08:29
labelette 15/11/2012 12:31
Stelda 12/11/2012 23:30
labelette 13/11/2012 00:06
Stelda 12/11/2012 23:28
labelette 12/11/2012 23:29